"La seule chose que j'ignorais jusqu'à cette minute, c'était ce que c'était ; si c'était bien ou pas bien, glorieux ou honteux, louable ou condamnable."
"A l'époque, j'allais sur mes onze ans".
Et c'était déjà un drôle de petit bonhomme, ce garçon effervescent, déjà attiré par le beau sexe, plein de "ces élans incompatibles avec l'enfance", comme le dira un jour Miguelito à Mafalda, et qui savoure comme pas un d'être invité parmi tous ces gens riches lors de cette fête qui ne semble jamais finir et durant laquelle il peut admirer les dames - "presque toutes plus jolies les unes que les autres, [qui] semblaient encore plus charmantes avec leur visage tout animé des impressions du jour, leurs jolis yeux brillants, leurs paroles vives qui s'entrecroisaient, les cascades de leurs rires sonores comme des clochettes (...)"
Jamais Dostoïevski n'a été aussi badin, bucolique, sensuel que dans ce Petit héros, nouvelle écrite dans sa cellule de Sibérie d'où il devait sortir des années plus tard. Jamais non plus il ne parlera de l'enfance et de ses premiers émois avec autant de vérité et de profondeur.
"Je parle toujours de mes onze ans, et, bien sûr, j'étais un enfant, rien qu'un enfant. Beaucoup de ces femmes splendides, quand elles me caressaient, ne pensaient même pas à faire attention à mon âge. Mais - chose étrange ! - une sorte de sensation, qui m'était, pour moi-même mystérieuse, m'avait déjà envahi; il y avait déjà quelque chose qui frissonnait sur la surface de mon coeur, quelque chose que le coeur ne connaissait pas, qu'il n'avait encore jamais senti ; mais qui le faisait parfois brûler et battre, comme effrayé, et, souvent, une rougeur inattendue inondait mon visage. Parfois, je me sentais comme honteux et même blessé de différents privilèges enfantins dont je jouissais (...) Tantôt, pour finir, il me semblait que j'avais caché quelque chose à tout le monde, mais que, pour rien au monde, et à personne, je n'en aurais parlé, parce que j'en avais honte, moi, un petit humain, jusqu'aux larmes."